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Vente de chevaux : la réticence dolosive retenue pour un vendeur professionnel

Photo du rédacteur: Lorraine DuzerLorraine Duzer


Un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Versailles le 2 février 2023 (RG21/04523) retient la réticence dolosive du vendeur professionnel. Commentaire de Maître Lorraine Duzer, Avocate Associée chez Adrien & Associés :


La Cour d’appel de Rennes avait, dans son arrêt du 25 janvier 2023 (récemment commenté sur cette page et dans le JURIDEQUI n°110), écarté la notion de dol et refusé de prononcer l’annulation de la vente alors que le vendeur, non professionnel, avait dissimulé l’information relative au tempérament « mordeur » du cheval objet de la transaction.


Cette décision, remarquable en son genre, avait été justifiée par l’absence de but frauduleux ou d’intention de tromper lors de la rétention de l’information. La Cour avait aussi pris en considération le caractère non nécessaire de l’information retenue, l’acheteuse étant une « cavalière expérimentée ». Sans doute, sans que cela figurât dans les motifs de la décision, la Cour avait-elle également retenu la qualité de non-professionnelle de la vendeuse pour considérer que la dissimulation était « non intentionnelle ».


L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 2 février 2023 rappelle les caractéristiques de l’information due par le vendeur professionnel.


Dans cette affaire, une cavalière amatrice avait acquis une jument auprès d’un éleveur le 3 mars 2016, après avoir pris soin d’organiser une visite d’achat réalisée par un vétérinaire. Trois semaines plus tard, un autre vétérinaire décelait une boiterie et, après échographie, une tendinite des antérieurs, de nature ancienne. L’état de la jument, ainsi révélée, amena l’acheteuse à demander l’annulation de la vente par lettre recommandée. Le demandeur rétorqua que l’acheteuse était forclose en sa demande (la garantie des vices rédhibitoires, propre aux ventes de chevaux, doit en effet être mise en œuvre dans les 10 jours de la vente – voir article R213-1 et R213-5 du code rural). L’acheteuse saisissait alors le Tribunal Judiciaire de Pontoise d’une demande d’annulation judiciaire.


Après expertise judiciaire, le Tribunal a retenu que le silence gardé par le vendeur sur l’hospitalisation passée de la jument était constitutif d’une réticence dolosive ; ce faisant, le Tribunal relevait la qualité professionnelle du vendeur, tenu, de ce fait, d’une obligation d’information vis-à-vis de l’acquéreur, et à même d’apprécier l’importance de l’information retenue. Ainsi, sa dissimulation était nécessairement intentionnelle.


La Cour d’appel a confirmé le jugement. Dans sa motivation, après avoir rappelé les caractéristiques de l’information due par le vendeur, la Cour a pris soin de dresser la liste des éléments permettant de retenir sa qualité de vendeur professionnel (activité d’éleveur, achat d’étalon, vente de saillies, achat d’un haras, présence d’un affixe (nom d’élevage) et référencement de chevaux portant l’affixe, vente de poulains, inscriptions au RCS…).


La Cour a ensuite visé l’article 1116 ancien du Code civil définissant le dol (applicables aux faits de l’espèce), mais aussi l’article L111-1 du code de la consommation relatif à l’obligation d’information du vendeur, confirmant la relation de vendeur professionnel – acheteur non professionnel (consommateur). Enfin, elle a insisté sur l’obligation de « donner loyalement à l’acquéreur les éléments nécessaires à la détermination de l’état de santé du cheval ».


La Cour a retenu, dans sa motivation, que le vendeur avait gardé le silence sur l’hospitalisation passée de la jument (y compris durant les opérations d’expertise) et s’était abstenu de remettre l’intégralité du dossier médical au vétérinaire lors de la visite d’achat, précisant que l’information retenue était un élément nécessairement important pour l’acquéreur.


Elle a ensuite souligné que le « silence longtemps gardé signe l’élément intentionnel de cette omission et ne peut s’expliquer, comme suggéré par l’appelant, par l’idée de ce que les problèmes repérés lors de l’hospitalisation étaient d’une autre nature (digestive) et de peu d’importance. »


La qualité des parties (un vendeur professionnel et un acheteur amateur), l’importance de l’information retenue et l’élément intentionnel ont donc conduit la Cour à retenir l’existence d’une réticence dolosive.


D’une affaire à l’autre, les décisions rendues apparaissent ainsi très hétérogènes. Une analyse fine, au cas par cas, demeure nécessaire pour apprécier les circonstances particulières et les risques encourus par l’acheteur ou le vendeur.




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